Acompanhar jovens em situação NEET, uma nova abordagem

Accompagner les jeunes en situation NEET[1] : Changer de regard, initier d’autres approches Par Carlos RIBEIRO et André CHAUVET, un artigo escrito a duas mãos que integra a obra colectiva, L ´art d´accompagner autrement

1- Le contexte de la jeunesse en Europe[2]

 Les chiffres se passent de commentaires. Pourtant les commentaires ne manquent pas et ils sont sévères, voire inquiétants. Une génération perdue ? Ou au contraire une génération qui inventera de nouvelles formes de travail ?

En octobre 2016, 4,169 millions de jeunes Européens (hors étudiants) n’avaient pas d’emploi en Europe. Un peu partout dans l’Union européenne, du Portugal à l’Europe de l’Est, les taux de chômage des moins de 25 ans demeurent très élevés. 18,4% des jeunes sont ainsi à la recherche d’un emploi dans l’Union européenne. Ce qui laisse présager une génération “perdue” (20,7% dans la zone euro).

Et comme les chiffres du chômage sont contestables dans la mesure où ils laissent de côté un certain nombre de personnes qui ont, par exemple, renoncé à chercher, l’Union Européenne a créé un nouvel indicateur, les NEET, permettant d’avoir une vision plus réaliste de ce processus de décrochage progressif.

Par ailleurs, tout le monde s’entend sur la nécessité d’accompagner ce public dans la conduite de son début de vie professionnelle alors même que l’accès à une position stable est plus long voire impossible. Le déclassement social[3] renforce la difficulté pour ce public à construire des stratégies rassurantes.

Alors, aborder les questions d’accompagnement du public jeune nécessite de s’ouvrir aux initiatives et aux propositions des jeunes qui sont sans doute lassés qu’on les réduise à quelques slogans faciles (de type génération Y ou Z…) ou à des acronymes (NEET).

Sur ce point, nous adopterons la formule « jeunes en situation NEET » plutôt que l’appellation NEET, qui contribue à réduire ces personnes à cette caractéristique. Nous connaissons le goût pour ces étiquetages faciles : décrocheurs, NEET…On en est vite réduit à son statut. Ce n’est pas nouveau. En 1907 Georg Simmel posait déjà la question : qu’est-ce qui fait qu’un pauvre est pauvre… et rien que pauvre[4] ?

Cette tendance à formuler un statut social collé aux jeunes en les appelant NEET risque de renforcer une dynamique de marginalisation par le langage. C’est déjà le cas dans la confusion entre «être au chômage» remplacé par « être chômeurs ». Quand un processus et une situation deviennent un statut et une étiquette qui nous réduisent à cela !

2- Des intentions politiques louables pour des approches moins prescriptives

De nouveaux cadres d’intervention semblent émerger. Une résolution du Conseil de l’Union Européenne de mai 2014[5] précise qu’il est nécessaire… « D’accorder la priorité́ aux thèmes ci-après ……

Intensification du travail socio-éducatif auprès des jeunes et de l’apprentissage non formel et informel et mise en valeur de leur contribution à faire face aux effets de la crise sur les jeunes…

Autonomisation…L’accent étant mis en particulier sur« …l’accès aux droits, l’autonomie, la participation et la citoyenneté́ active à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE ».

Apparait ainsi la nécessité de sortir de logiques prescriptives pour développer des approches mobilisatrices, construites avec les jeunes, en utilisant notamment des approches non formelles.

3- Changer de regard, initier d’autres approches

3-1 Sortir des logiques de déficits attribuables à la personne

L’analyse peut se réduire à un diagnostic simpliste : c’est l’accumulation de plusieurs expériences sociales difficiles (école, difficulté d’accès à l’emploi…) amplifiées par des déficits personnels plus ou moins importants, qui seraient les causes centrales de cette situation de marginalisation. Dans cette vision, il s’agit de mettre en place des stratégies de compensation permettant à la personne de se rapprocher des exigences sociales, de lever « ses » freins et donc d’accéder à un emploi. Mais cette analyse n’amène à ne regarder qu’une facette d’une problématique plus large. Car derrière ces observations, il nous faut également regarder la précarité de ces situations. Elles peuvent se résumer de façon lapidaire : être dans l’emploi, certes mais avec un contrat à très court terme et payé au salaire minimum; être à l’école, certes, mais avec un faible espoir d’accéder aux qualifications nécessaires ; être en stage en entreprise, certes, mais avec une faible probabilité d’accéder à l’emploi. C’est donc bien d’un processus de précarisation dont on parle. On peut invoquer aussi la nécessité de faire appel à la motivation et à la combativité des jeunes ; certes, ils n’en manquent pas. Mais cela ne modifie guère l’instabilité structurelle cause de cette situation. Il s’agit donc bien de repenser le processus d’accompagnement dans sa double dimension individuelle et structurelle

3-2 Les impacts de la précarité

Au cœur donc de l’action d’accompagnement des publics en situation NEET se trouve ce processus de précarisation lui-même générateur d’un sentiment de vulnérabilité qui a de nombreux effets possibles. Il agit sur :

  • Le sentiment de sécurité (se sentir protégé ou menacé)
  • Le sentiment d’intégrité pour soi et les siens
  • Le sentiment de contrôle (savoir quoi faire pour faire évoluer les choses)
  • La capacité de projection temporelle (imaginer un futur pour soi)
  • La croyance dans un futur meilleur (risque de résignation)

3-3 Employabilité : une notion ambiguë et discutable

Si tous ces éléments sont impactés, cela nécessite de questionner la notion d’employabilité, qui est un organisateur des politiques européennes de la jeunesse depuis plusieurs décennies. La notion est certes polysémique mais elle fonde la construction des dispositifs sur la réduction de l’écart entre les attitudes, savoir-faire de la personne et les attendus du système social et productif. Mais il ne s’agit que d’un rapprochement qui ne fait porter les efforts que du côté du public jeune. Comme si les attendus n’étaient pas questionnables. Certes, comme le dit Yann le Bossé[6], tous les enjeux sont légitimes du simple fait de leur existence. Mais la notion d’employabilité risque d’être vite une abstraction faiblement efficace car elle présente plusieurs ambiguïtés. On peut oser un rapprochement historique avec les pratiques de recrutement des salariés ruraux de l’Alentejo par les propriétaires fonciers. Pendant des siècles, ces derniers recrutaient sur la place publique, sélectionnant les uns au détriment des autres, non pas selon des critères liés aux compétences mais plutôt pour créer l’anxiété causée par l’imprévisibilité des choix. Une façon efficace de générer de la précarisation et de développer un sentiment d’impuissance. Bien sûr, il ne s’agit pas de cela mais on perçoit le risque de découragement du côté du public. Car, en fin de compte, le travail sur l’employabilité peut aller de pair avec une pression concurrentielle sur les personnes (tu dois toujours être en alerte et t’entraîner en permanence pour avoir des chances) ce qui peut entraîner la culpabilisation (je ne suis pas capable), la frustration et l’impuissance face à l´action (je n’y arrive pas).

3-4 Des approches de soutien à distinguer

Car la plupart des textes européens mixent très souvent plusieurs approches de soutien aux personnes, qu’il nous semble essentiel de distinguer. Nommons-les :

  • Une logique de l’assistance (liée souvent à une approche par la carence). Nous l’avons évoqué ci-dessus. Elle impute la vulnérabilité des personnes à un manque, un déficit qui leur est propre et qu’il s’agirait de compenser par des dispositifs adéquats.
  • Une logique de l’activation (dimension incitative, logique de la contrepartie). Elle fonde de nombreuses approches entrepreneuriales qui s’appuient sur la motivation et la contractualisation (fournir un appui sous conditions d’efforts consentis par la personne)
  • Une logique de la mobilisation du pouvoir d’agir (intègre la dimension contextuelle et communautaire) : il s’agit plutôt de réfléchir aux conditions à mettre en œuvre pour que les personnes avancent sur des projets à leur mesure au regard de ce qui est important pour elles.

3-5 Des politiques alternatives fondées sur des approches capacitantes[7] et communautaires

Penser des politiques publiques alternatives pour les publics en situation NEET suppose de formuler des axes stratégiques clairs. On peut résumer le débat autour de deux conceptions extrêmes : soit on met en œuvre des méthodologies qui cherchent à rapprocher les personnes en recherche, des besoins des entreprises, d’une manière unilatérale, dans une version renouvelée de l’adéquationnisme. Soit on considère que les stratégies doivent se fonder sur le concept de transition, en corrélation avec les autres transitions (énergétique, économique et sociale). Il s’agit alors plutôt de combiner, dans un travail de proximité, les différentes opportunités mobilisables par les personnes, au regard de leurs priorités et de leur contexte de vie. En somme, une économie sociale, solidaire et territoriale qui s’affranchisse à la fois d’un modèle entrepreneurial gestionnaire (il ne s’agit pas uniquement de l’excellence dans la gestion d’entreprise) et des approches de réparation et d’assistance (on cherche à faciliter l’émancipation de chacun). Parallèlement, il s’agit de modifier la conception des dispositifs en direction des personnes en recherche d’emploi qui ne peuvent se contenter de l’exercice d’une pression plus ou moins forte, plus ou moins bienveillante voire manipulatrice, pour les amener à accepter tout ce qui est disponible.

Il s’agit alors de penser une action créative axée sur le développement local, où le travail collectif et l’appui individuel se croisent autour de programmes locaux et durables. Pour cela, il faut développer des nouvelles compétences pour mettre en action des approches collaboratives dont l’objectif central sera de créer et disséminer des opportunités sur les territoires.

4 – Concrètement, sur le terrain, quels axes de réflexion et d’action ?

Mais ces approches n’ont de sens que si elles se matérialisent dans des projets concrets qui permettent d’en observer les effets et d’en modéliser les principes d’intervention. Nous évoquerons rapidement ci-dessous deux projets menés au Portugal. Ils se veulent modestes, ancrés sur la réalité des territoires et cherchent à mettre en œuvre les principes énoncés ci-dessus.

L’exemple du Forum Jeune Hautement, Covilhã, Carlos Ribeiro

A Covilha, dans le cadre du Forum des jeunes HAUTEMENT réalisé dans les installations de la Coopérative Coolabora, le 29 Juillet 2016, a eu lieu l’atelier “Dynamiser les actions avec les jeunes” auquel ont participé des animateurs, techniciens et gestionnaires des institutions locales. Ils ont réfléchi ensemble sur plusieurs dimensions centrales du travail actuel avec les jeunes. L’atelier a été animé par Collabora et Caixa de Mitos dans le cadre d’un World Café, un moment passionnant qui a permis de mettre en avant certains sujets.
Il s’agissait de répondre à la question : quelles approches spécifiques peuvent être menées pour agir avec les jeunes en situation NEET ? La réflexion a été menée autour de quatre questions:
La rencontre : comment entrer dans l’univers des jeunes en situation NEET ? Comment établir des contacts permanents facilitateurs d’interventions cohérentes et durables ?

Sur ce sujet, il apparaît que les propositions pré-établies, construites par les intervenants en dehors du public ont peu de chances d’être mobilisatrices. Il s’agit plutôt de construire, avec les jeunes, les opportunités en situation. Ces projets sont rarement ambitieux mais toujours à leur mesure et construits en fonction de leurs préoccupations. Il s’agit véritablement de construire des situations qui sont aussi des occasions d’apprendre et de développer ou mobiliser des compétences multiples. Pédagogiquement, cela suppose une approche informelle utilisant les détours et autres chemins de traverse, construits en situation par et avec le public. En somme créer des opportunités fécondes et construire des ponts entre les préoccupations du public et les ressources du territoire (voir plus loin les exemples du programme AgirNeet).

Le futur : comment introduire pour les jeunes en situation NEET, une dimension projective, un intérêt pour les possibilités futures ?

L’expérience nous montre que la proposition de réflexion sur un projet professionnel à moyen voire long terme est faiblement engageante pour ces jeunes. Les raisons sont multiples : faible croyance dans un avenir radieux, sentiment de ne pas avoir les clés pour accéder au monde du travail, sentiment que les efforts nécessaires seront vains…Il s’agit donc bien de modifier le cadre temporel dans lequel s’inscrit cette réflexion. Entre « Ici et maintenant » et dans quelques mois, il y tout l’espace temps de la construction d’un projet tangible, contextualisé, visible et qui peut donner le goût de la projection par l’action. Si nous considérons que le rapport à l’action est souvent détérioré, c’est bien dans une action concrète soutenante qu’il peut se passer quelque chose. Et le fait que les actions proposées soient éventuellement non conventionnelles est une des conditions de mobilisation du public. C’est par l’observation des effets de ses actions que la capacité de projection peut se développer.

Le développement de compétences : comment introduire dans l’action avec les jeunes en situation NEET la dimension formative et le développement de nouvelles compétences sans passer par des modèles classiques de formation ?

Il est évidemment exclu de proposer des modèles de formation académiques qui ne feraient que réactiver le sentiment d’infériorité ou des évènements personnels difficiles. C’est donc bien la construction de situations apprenantes, qui donneront aux jeunes l’occasion de mobiliser leur savoir-faire qui est en jeu. Cela passe nécessairement dans une réflexion pédagogique sur l’apprentissage par l’expérience et surtout par l’invention de situations de détours.

Le soutien : Comment soutenir les jeunes en situation NEET dans un parcours dont l’itinéraire est dominé par des choix et des actions à entreprendre en fonction de leurs priorités ?

L’accompagnement vise une centration sur ce qui peut être changé ici et maintenant pour ces jeunes, au regard de ce que sont leurs priorités actuelles. On est donc dans une double logique d’action et de progression. Cette progression est à la fois singulière, propre à chacun mais elle fait également écho au processus collectif initié dans ces expériences de projets. Les jeunes pourront y trouver une source de soutien, de débat voire de controverse. Mais en tout cas, matière à cheminer pour aller, à leur mesure, vers ce qui est important pour eux

L’exemple du Programme AgirNEET

Adopter une approche de proximité, cela ne se réduit pas à la définition d’un territoire, à ses seuls aspects physiques et géographiques mais plus largement à un lieu d’intervention qui regroupe des problématiques communes. Il s’agit alors de combiner une stratégie fondée sur plusieurs niveaux d’action. Le Programme AgirNEET, conçu par Caixa de Mitos, a pour objectifs d’organiser des interventions sur des quartiers marqués par une profonde vulnérabilité sociale.

AgirNEET se fonde sur les principes d’intervention suivants :

– Toute action avec les jeunes vise des modalités d’auto-organisation (jeunes parties prenantes de l’action dans sa conception et sa mise en œuvre) ;

– Le processus pédagogique s’articule autour de modalités individuelles et collectives qui se renforcent mutuellement ;

– Les solutions co-construites sont fondées sur les principes de durabilité, de solidarité et s’appuient sur les réseaux collaboratifs ;

– Les actions initiées visent à résoudre des problèmes concrets, locaux en utilisant les ressources mises à la disposition par ceux qui se proposent d’agir ensemble ;

– Au delà de la résolution de ces problèmes concrets, il s’agit de renforcer la communauté dans son ensemble ;

– Les agents de changement les plus pertinents sont les pairs (d’autres jeunes en proximité) ;

– L’enjeu central est l’appropriation : faire sien ce qui se construit, en tirer des leçons en terme d’expérience de coopération, développer des compétences nouvelles, donner à voir ce qui est réalisé ;

– Pour tous ceux qui participent à des actions dans ce cadre, la communication est co-gerée, multicanale, ouverte à la communauté et adopte les principes de la communication collaborative.

Le programme est organisé autour des axes suivants : connaissance de la réalité locale, auto-organisation des jeunes, prévention autour des situations à risques, remobilisation des jeunes identifiés localement, reprise de contact avec les « jeunes invisibles », communication comme plateforme de rencontre.

Les axes de travail sont autonomes mais les activités se croisent à des moments de convergence festive et collaborative, pour donner corps à une stratégie de co-construction communautaire :

  • Le premier axe d’activité a pour finalité la production d’une information précise et concrète, à partir de l’expression des jeunes du quartier, sur leur situation, le potentiel et les difficultés de leur territoire. Les actions se réalisent dans les locaux de la vie quotidienne, comme les clubs, les cafés, les centres commerciaux et avec des initiatives de théâtre de rue, de production de vidéos, d’enquêtes de coin de rue…etc ;
  • Le deuxième axe est celui des Forums Jeunes, des initiatives de débats, de réflexions collectives et de définition de projets d’actions futures. Ces forums leur permettent une autonomie réelle et des co-créations dans une perspective de solutions de transition ;
  • Le troisième axe vise à initier des actions-pilotes de prévention avec la participation active de la communauté locale. Les jeunes qui sont encore liés aux dispositifs formels de formation ou d’emploi (mais en risque de perdre ces liens), sont associés à des initiatives flexibles d’encadrement, collectives et personnalisées, créées volontairement par les entreprises et les associations locales. Elles fournissent des réponses à certains besoins immédiats et prioritaires pour les jeunes ;
  • Le quatrième axe est la construction de nouvelles expériences, d’aventures inédites, de réalisation de petits programmes autour des motivations et des intérêts des jeunes, un peu décalées du quotidien. Ces actions seront construites par les jeunes eux-mêmes, sachant que les ressources indispensables à leur réalisation seront aussi activées à leur initiative. L’objectif est également de développer des apprentissages coopératifs et informels facilitant une mobilisation sur des durées plus longues.
  • Le cinquième axe est celui des actions pour les jeunes en situation NEET « invisibles », ceux qui n´ont plus aucun lien avec les dispositifs d’accompagnement (école, centre de formation, entreprise). Il s’agit d’actions locales initiées par des institutions du territoire qui font des propositions concrètes d’activités rémunérées. Elles créent ainsi les conditions d’une reprise de contact ponctuelle, qui pourra se prolonger dans le temps. Elles s’appuient sur un accompagnement respectueux des priorités et des décisions des jeunes qui peuvent y participer.
  • Le dernier axe est celui de la communication. Tous ceux qui participent (équipes d’intervention, accompagnateurs, associations et collectivités locales, jeunes), sont producteurs de contenus et créent une communauté de partage et de coopération. Ils communiquent ainsi sur les questions qui les concernent. Il s’agit valoriser la diversité (option multi canal) et de rendre possible des stratégies de développement local de base communautaire (co-gestion de la myriade de réseaux).

Des exemples d’initiatives

Un appui sur les Groupements d’Employeurs et les Clubs d´Expériences de Jeunes

Pour que le travail sur l’employabilité ne se réduise pas à des évaluations quantitatives d’accès à l’insertion ou à des impositions plus ou moins souples vis à vis des jeunes, le choix est fait de construire des dispositifs fondés sur la médiation et la négociation. On s’intéresse alors aux conditions à mettre en œuvre pour que le processus d’accompagnement produise des effets à plus long terme. Il s’agit de concevoir des modalités d’échange entre employeurs et jeunes prenant en compte les enjeux de l’entreprise mais avec le souci de concilier ces enjeux avec les priorités, intérêts, rythmes et modes de fonctionnement des jeunes. Plus qu’une pression autoritaire ou moralisatrice, il s’agit de construire un espace de négociation visant une conciliation des intérêts de toutes les parties mettant en action la formule de Yann Le Bossé « tous les enjeux sont légitimes ».

La VAE de base locale et communautaire

C’est un des outils pour valoriser les acquis des jeunes ayant peu ou pas de qualifications et peu d´opportunités d’emploi. Il s’agit de réaliser une démarche de reconnaissance et d’autodiagnostic qui mette en évidence un domaine de compétences précis, ayant rapport avec des priorités du jeune accompagné. Ainsi, une situation d’immersion, accompagnée par des professionnels du secteur économique, est organisée. A la fin d’une semaine d’expérience, une certification qui a une valeur symbolique, est attribuée dans un cadre d’échanges collectifs. C’est un parcours qui permet un travail concret sur l’estime de soi. Le jeune peut nouer de nouveaux contacts, activer des réseaux. Cela lui offre un cadre mobilisateur pour aller vers des cibles d’emploi plus précises et pour développer autonomie et auto organisation.

5- Perspectives : les enjeux d’une démarche de prévention fondée sur la co-construction.

Si on peut convenir assez rapidement de l’aggravation de la situation de précarité d’une partie importante de la jeunesse, la question des modes d’intervention et des processus d’accompagnement est aujourd’hui posée.

Est-ce que cette aggravation nécessite des modes d’intervention simplement plus intenses (plus d’accompagnement, plus de dispositifs, plus d’aide) ou n’y a-t-il pas une question également sur les présupposés qui ont organisé les pratiques d’accompagnement des 30 dernières années qu’il s’agirait d’interroger ?

Les jeunes très éloignés des attentes du système, doutant des perspectives, peuvent penser que tous leurs efforts seront probablement inutiles.

Ce n’est pas tant le soutien qui est en jeu dans un premier temps mais la mobilisation d’une croyance dans son pouvoir d’agir : remobilisation, reconstruction de liens sociaux avec le système, persévérance dans les efforts, autant d’objectifs essentiels et difficiles à atteindre dans une situation où la difficulté d’insertion des jeunes plus qualifiés ne sert plus de modèle d’entrainement.

Alors, la question peut être formulée simplement : en quoi le processus d’accompagnement proposé est susceptible de permettre une mobilisation des jeunes au regard de ce qui les préoccupe, afin de développer des compétences par l’expérience, l’échange et la coopération entre pairs ? Sur ce plan, on peut considérer qu’il s‘agit d’éviter la désaffiliation d’une partie de plus en plus importante de personnes, jeunes ou pas, et qu’il est essentiel de le penser dans une logique de sentiment d’appartenance, afin d’éviter que les choses se dégradent encore.

On perçoit aussi que la bonne volonté, l’empathie et la sollicitude, si elles sont indispensables dans tout processus d’accompagnement, ne peuvent suffire dans un contexte dégradé où le décalage entre les aspirations légitimes de la jeunesse et les ressources d’emploi n’ont jamais été autant en tension.

Ce qui suppose pour les professionnels mais également pour tous les acteurs cherchant à contribuer à l’insertion professionnelle de la jeunesse, une réflexion méthodologique approfondie sur les processus d’évaluation des actions publiques. Dans une raréfaction des ressources d’emploi, la centration sur des seuls indicateurs d’efficacité en terme d’accès à l’emploi ne rend pas compte de la contribution du processus d’accompagnement. Plus globalement, s’intéresser aux impacts qualitatifs de l’accompagnement est une nécessité. Car le risque c’est que l’on invalide un processus à la seule lecture de difficultés d’insertion. Si l’on considère que les effets de l’accompagnement doivent également se situer du côté de la construction de repères, la stabilisation de situations (éviter l’empirement[8]) la mobilisation dans des actions, la prise de risque, mais bien sûr la prévention, alors, des processus d’évaluation plus qualitatifs peuvent nous éclairer à la fois sur les effets produits mais également sur les contributions de l’accompagnement et le type de service qui sont le plus aidants pour le public.

Au-delà, c’est bien la question de la finalité de l’accompagnement qui s’expose ainsi. Mais également une question plus transversale : comment contribuer à plus d’équité sociale.

 

                                                               Carlos Ribeiro et André Chauvet

[1] NEET Neither in Employmentnor in Education or Training (Ni étudiant, ni employé, ni stagiaire)

[2] Voir CEREQ Bref n°332 – Chômage et qualité de l’emploi des jeunes : un tour de l’Europe en crise. Auteures : Josiane Vero et Céline Goffette – mars 2015  « Chômage et qualité de l’emploi dans une Europe en crise http://www.cereq.fr/articles/Espace-Presse-Articles/Chomage-et-qualite-de-l-emploi-des-jeunes-dans-une-Europe-en-crise

[3]voirPEUGNY Camille, Le déclassement, Grasset, 2009 et CHAUVEL Louis, La spirale du déclassement, Seuil, 2016

[4] Voir Serge PAUGAM

[5]Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil du 20 mai 2014, sur un plan de travail de l’Union européenne en faveur de la jeunesse pour 2014-2015

[6] Yann le Bossé, Soutenir sans prescrire, Ardis Canada, 2016

[7]En référence à la notion de capabilité développée par Amartya SEN

[8] Marc-Henry SOULET, Accompagnement palliatif et agir faible, conférence KELVOA, Marseille, 30 septembre 2016, L’art d’accompagner autrement, Editions KELVOA, 2017

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